Karamazov : Dostoïevski en grand - Avignon IN - (15/07/16)

Jean Bellorini plonge de tout son être dans le roman de Dostoïevski et nous entraîne dans son immersion, au cœur de la terrible fratrie des Karamazov. Son travail sur le texte, à partir de la traduction d’André Markowicz dont il a adapté des morceaux choisis, ne terni en rien la force littéraire de l’œuvre, tout en nous donnant à entendre dans une langue très directe, libre et limpide une intrigue resserrée. Devant une vaste maison de bois, une datcha entourée de sable noir, glissent des plateaux mouvants sur lesquels apparaissent les différents lieux de vie, des cages de verre, sortes de vitrines de l’intériorité des héros. Des dialogues forts, crus et cruels, de longues envolées, et aussi comme toujours dans les mises en scènes de Bellorini, de la musique. Belle, omniprésente, centrale, elle occupe d’ailleurs une place majeure dans la scénographie au centre du plateau, et rejoint les chansons de certains protagonistes qui viennent faire appel à une autre dimension d’écoute du spectateur, à la manière d’une comédie musicale. L’effet est saisissant. Au cœur de ce dispositif superbe et gigantesque, la distribution de grande qualité des comédiens musiciens chanteurs fait mouche. Les quatre frères ont été confiés à des pointures magnifiques : François Deblock compose un Aliocha diaphane et envoûtant, Jean-Christophe Folly est un Dimitri au jeu corsé et viril, Geoffroy Rondeau offre un remarquable monologue du Grand Inquisiteur au cœur de l’œuvre, et Marc Plas est un Smerdiakov admirable de cynisme. De ce montage fleuve de plus de cinq heures, où l’esthétique le dispute au talent lumineux des artistes, on ressort ébranlé et conquis.

François Varlin

Karamazov, d’après Fiodor Dostoïevski. Adaptation : Jean Bellorini et Camille de la Guillonnière. Mise en scène : Jean Bellorini (photo Christophe Raynaud de Lage)
Avignon, Carrière de Boulbon, 21h30, jusqu’au 22 juillet
www.festival-avignon.com