Critique Off - En attendant Godot : un Godot troublant et brillant

Comme spectateurs, on attend toujours Godot, pour les clés qu’une représentation peut révéler de cette pièce énigmatique. Godot, c’est le cinquième texte de Beckett que Jacques Osinski monte avec Denis Lavant. Celui-ci joue Estragon, l’un des deux clochards célestes de la pièce, celui qui a mal aux pieds et à ses côtés, Jacques Bonnaffé joue Vladimir, le plus cérébral des deux. En tout cas celui qui ne cesse de rappeler qu’il faut attendre Godot. Ces deux hommes qui ne se quittent pas ou peu ont rencontré un certain Godot qui leur a demandé de l’attendre près d’un arbre. Et ils l’attendent comme le messie qui viendrait les sauver de l’enfer. Pas de Godot pourtant, mais un autre couple d’hommes vient, un certain Pozzo et son domestique Lucky. Au second acte, on retrouve Estragon et Vladimir qui attendent toujours Godot et Pozzo et Lucky qui repassent encore... Les spéculations vont bon train sur qui sont ces hommes, qui est Godot, et le sens de cette attente qui semble éternelle. Jacques Osinski n’hésite pas à requestionner le texte de Beckett. Les comédiens font résonner chaque mot intensément qu’il libère de multiples interrogations. Pourquoi seul Vladimir voit-il le garçon qui vient annoncer que Godot ne viendra pas ce soir ? Estragon et Vladimir ne sont-ils pas un seul et même personnage ? Pozzo et Lucky ne seraient-ils pas une représentation grotesque de Vladimir et Estragon… Ces multiples hypothèses qui éclosent sans cesse réactivent l’intelligence et l’imaginaire. Troublant et brillant.