Critique Off. Ma République et moi d'Issam Rachyq-Ahrad - Vive sa République

Dans la chapelle du Théâtre des Halles, résonnent les notes bouleversantes d’Haendel. "Laschia Ch Io Pianga". Pleure, pauvre âme, ton sort funeste. Sur le mur de pierre, sont projetés les mots "Sale pute", "Cafard", "Sale Bougnoule", "Vive le cochon", "Tu vas finir en méchoui", "Vive Zemmour"… Dans un fauteuil de velours rouge, lui se tient là, impassible, regard triste, voile sur la tête. Il est Issam Rachyq-Ahrad. Et il est sa mère, Malika. Longtemps, il a eu honte d’elle, "à l’heure des mamans". Longtemps il a rêvé d’une mère blonde aux cheveux raides et bien habillée. Aujourd’hui, il rend un poignant hommage à celle qui a tout donné à ses enfants, et ne demande rien. A celle qui, bien sûr, se dit prête à parler dans son spectacle, "si ça ne crée pas de tort [à son fils]". A celle qui roulait en motobécane en chantant du Claude François. A celle qui trouvait joie (consolation ?) dans les envolées chantées de Dalida. A celle qui avait réuni le Maroc, sa terre d’origine et la France dans un même maillot de foot. Incroyable de découvrir, dans cette petite salle bondée, ce bref mais fulgurant récit, en ce jour où l’on vote, en ce jour où l’on retient son souffle car le parti de la haine de l’autre est aux portes du pouvoir. Et, quand on revoit les images d’un conseiller régional du Rassemblement National qui enjoint une femme voilée de retirer son voile ou de quitter l’assemblée, en 2019, l’actualité percute le théâtre -à moins que ce ne soit l’inverse- avec une puissance folle. Un portrait sensible qui cogne au cœur et à l’estomac.
Nedjma Van Egmond

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