Critique In - TRUTH’S A DOG  MUST TO KENNEL : Chienne de scène

Le théâtre est mort ? Vive le théâtre ! Le Britannique Tim Crouch n’a guère plus d’illusions sur l’art de la scène, mais clame paradoxalement sa colère et sa révolte dans un solo qui célèbre merveilleusement les mots et l’art de l’acteur. Dans l’écrin de la chapelle des Pénitents Blancs, plateau nu, l’artiste un peu punk et revenu de tout balade son long corps dégingandé tout de noir vêtu, son visage à la fois sombre et malicieux. Dans ce deuxième spectacle invité à Avignon, il déroule son noir bilan des choses, avec un sourire en coin, à la manière du fou du roi. Celui-là même à qui il demande de partir, tout en accédant, avec un vrai-faux casque de réalité virtuelle à la représentation. Dans un anglais ciselé, son numéro virtuose d’observation de la scène et surtout des gradins nous décrit par le menu ce qu’il voit, depuis l’orchestre jusqu’au paradis, en passant par le bar… Il raconte un lieu capitaliste -et qu’il considère dangereux pour le théâtre- et qui découpe son public en castes
Et poursuit ainsi son vertigineux questionnement sur la relation de l’artiste au(x) spectateur(s). Qu’est-il advenu du théâtre depuis la crise mondiale du Covid et ses confinements successifs ? Quid de la digitalisation à outrance, qui enferme dans une solitude accablante un public qui devrait faire communauté -puisque c’est l’essence-même du théâtre ? Les frontières entre la vérité, la réalité et l’art du simulacre et de la représentation sont ténues, et le titre même du spectacle, emprunté à Lear (acte I, scène 4) : « Truth’s a dog Must to Kennel », « A la niche, chienne de vérité ! » les envoie valser. Entre colère et espoir, entre humour et noirceur, malgré la gravité de son propos, ce spectacle cinglant se révèle plein d’ironie mordante, so british et de jubilation.

Nedjma Van Egmond

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