EXPO : Christophe Raynaud de Lage : fixer l’éphémère
Entre le festival d’Avignon et les photographes, c’est une grande histoire d’amour. Depuis la plus emblématique, Agnès Varda, qui baladait son appareil dans les rangs de la cour d’honneur, accrochait Jean Vilar et Gérard Philipe entre deux répétitions, marquait pour l’éternité les débuts du TNP sous le ciel étoilé d’Avignon, jusqu’aux photographes contemporains…
Christophe Raynaud de Lage lui, est le photographe « officiel » du festival In depuis 2005. Au moment de remettre les clés, Olivier Py a voulu lui rendre hommage. A l’étage de la Maison Jean Vilar, on (re)découvre certains clichés célèbres autant que d’autres plus méconnus. On se balade de la Cour d’honneur du palais des Papes au Cloître des Carmes, des Célestins au Gymnase Aubanel, dans une belle scénographie en clair-obscur signée Pierre-André Weitz (scénographe attitré d’Olivier Py). Le photographe tente de « suspendre l’instant », de saisir l’éphémère, de sonder l’insondable et d’en laisser trace, tout en élargissant le champ. L’exposition, qui réunit 500 images, est structurée en cinq séquences, de « L’ombre des lieux » à « La Cour » en passant par ce « cher public ». Ici Angelica Liddell a des allures de madone mystique cernée de pieuvres (Qué haré yo con esta espada, en 2016), là l’univers d’Akram Khan imprègne la Cour, dans un flou de fumée. En fond de scène, ici et là -et notamment dans les spectacles de Guy Cassiers- les écrans montrent la présence de plus en plus imposante de la vidéo ces dernières années… On perçoit, ici, là, l’éblouissante énergie déployée par les acteurs, leur fatigue tout comme celle du public au terme d’un intense marathon, comme le festival les affectionne. L’exposition est sous-titrée « Photographier le festival au risque de l’instant suspendu ». Ce n’est pas un risque, mais une gageure, et quand, dans ce moment en suspens, nous parvient l’émotion du spectacle vivant, quand le photographe parvient à rendre visible, même fugacement, « la mécanique de l’invisible » (du nom de l’épilogue du parcours) le pari est réussi.
Nedjma Van Egmond
« L’oeil présent, Photographier le Festival d’Avignon au risque de l’instant suspendu », Maison Jean Vilar, jusqu’au 26 juillet.