Critique In. Juana Ficcion - Opaque et déconcertant
Drôle de baisser de rideau qui vient clore 1h15 d’un spectacle aussi incompréhensible que déconcertant. La Ribot est allongée sur le sol, recouverte d’une peinture noire tandis qu’elle-même git dans une flaque noire sur le plateau de terre battue. Un spectateur se lève, puis deux, puis vingt, qui jettent un œil médusé à l’interprète avant de lever le camp. Les autres restent vissés à leur siège dans l’obscurité, en s’interrogeant sur ce qu’ils viennent de voir. Est-ce une veillée funèbre ? Une performance ? Un solo burlesque ou tragique ? Pas de salut, pas d’applaudissement. On n’avait guère envie d’applaudir ce qui s’est joué sous nos yeux, en dépit d’une belle partition originale, à mi-chemin entre classique et contemporain (composée par Iñaki Estrada et dirigée par le chef Asier Puga, pour douze musiciens et chanteurs). La chorégraphe suisso-espagnole La Ribot, accompagnée de Juan Loriente, campe ici la reine d’Espagne Jeanne de Castille (1479-1555), rebaptisée Juana La Loca (Jeanne la Folle) qui fut enfermée pendant plus de quarante ans, à la demande de son fils Charles Quint. Elle est fascinée par cette figure, qu’elle évoqua déjà dans une pièce en 1992. Combinaison de voile sur dentelle rouge, parée de lunettes de soleil ou bandana, elle adopte une gestuelle royale – pas de danse au sens propre ici- se balade à vélo dans le cloître avant de chuter, nous enjoint de regarder, sur nos téléphones, une vidéo téléchargée à l’aide d’un QR code (on l’y voit tournoyer, haut du corps nu pendant 7 minutes 25)… Et tant pis pour les spectateurs n’ayant pas de smartphone ! Ils jettent un œil à celui du voisin, avant de détourner le regard. A travers cette partition erratique et opaque, que veut-elle nous dire sur l’enfermement ? Sur la folie ? Sur le pouvoir ? On ne le saisit pas.
Pendant que la nuit tombe dans le décor somptueux du Cloître des Célestins, épais platanes cernant la scène, arches du cloître, on entend, on voit les martinets s’agiter comme dans une danse, cachés sous les feuilles des arbres. Le beau, le véritable spectacle, il est là.
Pendant que la nuit tombe dans le décor somptueux du Cloître des Célestins, épais platanes cernant la scène, arches du cloître, on entend, on voit les martinets s’agiter comme dans une danse, cachés sous les feuilles des arbres. Le beau, le véritable spectacle, il est là.
Nedjma Van Egmond
Dans le IN
Juana ficción, conception La Ribot, Asier Puga, chorégraphie et mise en scène La Ribot. Cloître des Célestins, jusqu’au 7 juillet
Juana ficción, conception La Ribot, Asier Puga, chorégraphie et mise en scène La Ribot. Cloître des Célestins, jusqu’au 7 juillet