Critique OFF - Téléphone-moi : le coup de coeur du festival
Trois cabines téléphoniques, trois époques, trois générations et un traumatisme originel qui se transmet à travers le combiné. En 1998, Léonore ne cesse d’appeler le répondeur de sa mère décédée un mois plus tôt pour entendre sa voix. En 1981, Louis s’est installé dans une cabine téléphonique mais fait croire à son père qu’il vient d’emménager avec sa femme et leurs deux enfants dans une vaste maison. En 1944, une résistante s’éprend d’un musicien de l’Opéra de Paris institution qui entretient des relations ambiguës avec l’occupant nazi. De la tragédie mondiale naît une tragédie familiale qui ricoche de plus en plus violemment sur les générations à venir.
Plutôt qu’un récit, Jean-Christophe Dollé nous livre un puzzle, dont nous devons reconstituer toute une partie du fait de la fragmentation des conversations téléphoniques. La scénographie juxtapose les époques, qui renvoient sans cesse à des événements marquants de notre Histoire, ajoutant une dimension épique à la trame. La puissance de jeu des comédiens, les allers retours dans le temps où l’on puise les causes des trébuchements de leurs trajectoires personnelles, tout cela crée une histoire tragique certes mais dans laquelle on se retrouve tous. Léonore comme nous est accroc au téléphone, comme nous cela lui permet de se téléporter dans un ailleurs qui la tient en vie. Ce Téléphone-moi est le miroir d’une génération en manque de tout. C’est absolument bouleversant et sans conteste le coup de coeur du festival.
Hélène Chevrier
Téléphone-moi, de Jean-Christophe Dollé, mise en scène Jean-Christophe Dollé et Clotilde Morgiève, avec Stéphane Aubry, Solenn Denis, Jean-Christophe Dollé, Clotilde Morgiève
Le 11 Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail 84000 Avignon, 04 84 51 20 10