Robert Pagnol joue La femme de ma vie d’Andrew Payne en live - Interview - (22/05/20)
Alors que les théâtres sont toujours fermés, Robert Plagnol joue La femme de ma vie les jeudis, vendredis et samedis à 19h en direct sur Zoom. Il reprend avec inventivité ce monologue que lui a écrit l’auteur britannique Andrew Payne, dont il a fait découvrir les pièces Synopsis, Squash, ou En réunion et qu’il a créé il y a deux ans au festival d’Avignon.
Théâtral magazine : Ce n’est pas la première fois que vous jouez ce monologue dans un contexte atypique…
Robert Plagnol : Non. La première fois, c’était à l’occasion de la première lecture du texte qui s’est faite dans le show-room de Paul Smith. Je m'étais dit qu'il fallait que la scénographie naturelle du lieu où le texte serait entendu la première fois raconte toutes les aspirations du personnage en matière de beauté, de luxe, de tranquillité et dont la vie n'est au contraire que bruit et fureur. C'est comme ça que j'ai eu l'idée de demander à Paul Smith s'il voulait bien nous accueillir chez lui. Ce qu’il a accepté et il a aussi pour la première fois réalisé l’affiche du spectacle. C’était Gilles Bannier, un réalisateur avec qui j’ai tourné la série Reporters qui me mettait en scène. Et fort de cette première expérience dans un lieu atypique, j’ai proposé à la directrice de l’Hôtel Europe à Avignon de le jouer chez elle. Il n’y avait aucun espace théâtral mais elle m’a laissé le Salon Baroncelli. On a investi le lieu, repeint un mur et fait le spectacle là-bas. Et aujourd’hui, c'est la première pièce qui a été jouée sur Zoom en direct.
Théâtral magazine : Ce n’est pas la première fois que vous jouez ce monologue dans un contexte atypique…
Robert Plagnol : Non. La première fois, c’était à l’occasion de la première lecture du texte qui s’est faite dans le show-room de Paul Smith. Je m'étais dit qu'il fallait que la scénographie naturelle du lieu où le texte serait entendu la première fois raconte toutes les aspirations du personnage en matière de beauté, de luxe, de tranquillité et dont la vie n'est au contraire que bruit et fureur. C'est comme ça que j'ai eu l'idée de demander à Paul Smith s'il voulait bien nous accueillir chez lui. Ce qu’il a accepté et il a aussi pour la première fois réalisé l’affiche du spectacle. C’était Gilles Bannier, un réalisateur avec qui j’ai tourné la série Reporters qui me mettait en scène. Et fort de cette première expérience dans un lieu atypique, j’ai proposé à la directrice de l’Hôtel Europe à Avignon de le jouer chez elle. Il n’y avait aucun espace théâtral mais elle m’a laissé le Salon Baroncelli. On a investi le lieu, repeint un mur et fait le spectacle là-bas. Et aujourd’hui, c'est la première pièce qui a été jouée sur Zoom en direct.
Diriez-vous que le fait que ce soit un monologue qui se passe dans un appartement un soir se prête d’autant mieux à Zoom ? Sans doute que s’il y avait eu plusieurs personnages, cela aurait été plus compliqué.
Je ne crois pas. Je pense d’ailleurs à jouer des pièces à plusieurs sur Zoom, que les acteurs se trouvent dans le même espace ou dans des espaces différents. Il suffit que celui qui parle apparaisse à l'image et que l’autre coupe son micro pour ne pas créer d’interférence. Ce sont des détails techniques qui se règlent.
C’est une pièce que vous avez commandée à Andrew Payne…
Disons qu’un jour je lui ai dis que j'aimerais bien faire un monologue avec un personnage en colère. Je pensais au one-man-show, où on voit toujours des acteurs très complices avec le public. Moi je voulais jouer un mec qui insulte les gens.
C’est un personnage qui ne se sent bien que lorsqu’il se trouve dans un environnement de luxe. Cela le rassure, le répare d’une enfance misérable. Or derrière cette obsession pour l’apparence, tout n’est qu’illusion, même son nom, même sa femme dont il ne cesse de dire qu’elle est "la femme de sa vie"…
La femme de ma vie, c’est le titre français que j’ai proposé à Andrew Payne parce qu’il me semblait plus juste que le titre original, Me cherchez pas. Mais Payne n’apporte pas de réponse. A un moment donné, mon personnage explique qu'il a mis une casquette de chauffeur, des gants en cuir et des Ray-Ban Aviator et ajoute "Parfois les clients me demandent ce genre d’accessoires. Ça ne me gêne pas, j'aime me déguiser". Quand on aime le luxe, ça veut dire quoi "j'aime me déguiser" ? Changer de statut social ?
Derrière l'illusion, il y a toujours quelque part la trahison. Et chez Andrew Payne, c’est assez récurrent.
Oui toujours (rires). C'est un de ses grands thèmes ; il questionne toujours la notion du deal, de l'accord passé entre deux personnes qu'il soit signé comme dans En réunion ou verbal comme dans La femme de ma vie.
C'est un texte qu’on comprend en l'incarnant, un peu comme ces paysages de montagne qui nous emmènent tout le temps dans des considérations esthétiques et philosophiques très fortes. C'est comme un millefeuille qu’on est heureux de manger parce que sous la pâte feuilletée, il y a le caramel, la crème et la chantilly.
Comment avez-vous décidé de jouer la pièce chez vous à travers le logiciel Zoom ?
Ça s'est fait très simplement. Cela faisait trois semaines que j’allais chez Patrice Kerbrat qui m’aidait à répéter mon texte pour le reprendre dans une salle à Paris lorsque le confinement est arrivé. Comme j’avais envie de continuer à travailler, on a utilisé Face Time. Et au fur et à mesure ça s'est transformé en direction d’acteur parce que Patrice est avant tout metteur en scène et trois semaines après, on a fait un filage. Le jour même j'avais un rendez-vous Skype avec ma sœur dont c’était l’anniversaire et je lui ai joué le texte en plan fixe. Elle m’avait vu le jouer à Avignon et a trouvé ce plan fixe d’1 heure 15 chiant. Je ne m'étais pas encore approprié l'outil zoom et j’hurlais trop alors qu’avec l’iPad on n’a pas besoin d’hurler pour être entendu. Il faut avoir de l'énergie mais pas la même que celle du plateau. J’ai rejoué quelques jours plus tard devant des gens avec qui je faisais du quatuor mais en bougeant dans mon appartement, en allant aux toilettes, ou dans la cuisine me cuire un œuf parce que ça m'amusait… Et ça a tout changé.
Vous tenez l’Ipad tout le temps pour vous filmer. N’est ce pas fatigant ?
Non parce qu’il est le plus souvent posé sauf quand je me déplace et que je le prends à la main.
Comment contrôlez-vous votre image, le cadre… ?
J’ai un retour vidéo sur l’écran vignette que je regarde du coin de l'œil. Tous les cadres ont été travaillés et affinés même s'ils sont simples. Et les lumières ont été faites avec Laurent Béal. Il a fait un service de répétition à distance. Il était comme un gamin qui a retrouvé son jouet après une coupure d'électricité de trois mois. Ça nécessite de faire avec ce qu’on a chez soi, j’ai dû ajouter de l’aluminium, déplacer des spots... J’ai aussi modifié un peu le décor. Les soirs où je joue à 19h, je commence à préparer ma mise en scène à partir de 17h et je m’accorde 30 minutes de détente avant pour me concentrer. Je n’ai pas le sentiment de jouer chez moi et en même temps, je suis chez moi.
Entendez-vous le public ?
C’est possible mais j’ai fait le choix de couper les micros. Sinon, il suffit que quelqu'un se lève ou bouge et il prend le pouvoir, le son de sa vignette va venir perturber la représentation.
Si des gens sont en retard, peuvent-ils regarder la pièce en cours de route ?
Non, on ne prend pas ceux qui arrivent trois minutes en retard.
Autre innovation depuis le confinement, c’est que vous faites payer la place 10 euros.
Au début, je n’avais pas l’intention de faire payer. Mais beaucoup de gens ont travaillé pour mettre au point ce spectacle. Alors on a créé cette plate-forme récemment.
Jusqu’à quand jouerez-vous la pièce ?
Jusqu’à plus soif. Ce qui me plaît dans cette aventure c'est de faire mon métier de comédien même si je ne suis pas sur un plateau avec les spectateurs à côté. Mais c’est vivant, et c’est ce qui donne de l’âme à la représentation. Et cela permet aussi de faire exister un auteur. J'ai invité un réalisateur qui a découvert Andrew Payne et qui maintenant travaille sur le projet d’une série à partir d’un développement de ce personnage qu’a écrit Payne et que j'avais traduit.
Et puis on touche un public beaucoup plus large qu’au théâtre, puisque des gens très éloignés peuvent se connecter. Lors d’une représentation, on a eu des spectateurs canadiens et des spectateurs bretons !
La plateforme que vous avez créée, www.directautheatre.com permet d’accueillir d’autres spectacles.
Je suis à la recherche de gens qui ont envie de monter dans ce bateau. Comme toujours, la contrainte provoque de l'inventivité.
Propos recueillis par Hélène Chevrier
La femme de ma vie
Texte d’Andrew Payne, traduction et interprétation Robert Plagnol, mise en scène Patrice Kerbrat
Jeudi, vendredi et samedi à 19h
Pour assister à la représentation, il suffit de s'inscrire ici et de payer sa place 10 euros. Ensuite un lien vers le logiciel zoom vous est envoyé pour assister au spectacle le moment venu.