Critique In - WELFARE, zoom sur les démunis

En portant à la scène le très beau documentaire de Frédérick Wiseman, Julie Deliquet s’est lancé un défi périlleux, celui de rendre fictionnels des moments dramatiques captés sur le vif où l’on voit des indigents demander un minimum de ressources pour survivre dans un centre social : femme au foyer avec quatre enfants à charge, personnes en situation de handicap, chômeurs, ex-détenus… On est à New-York au début des années 70 en plein hiver, la caméra de Wiseman zoome sur les visages redonnant à ces hommes et ces femmes en détresse une existence et une dignité que la société s’acharne à leur refuser. Julie Deliquet transpose leurs histoires sur l’immense plateau de la Cour d’honneur, qu’elle a transformé en immense gymnase d’école et redistribue tous les protagonistes du film dans 15 personnages. On est toujours à New-York à Noël dans les années 70, mais les rapports entre les demandeurs et les travailleurs sociaux sont plus tendus, on en apprend aussi davantage sur l’histoire de chacun. Si on entre moins en empathie avec eux que dans le film, faute de gros plan, la mise en scène axe l’intrigue davantage sur la solidarité entre les différents personnages. Elle pousse aussi à s’insurger contre les absurdités d’un système social qui prétend aider mais épuise ses utilisateurs dans les labyrinthes d’une surenchère de réglementations malheureusement toujours d’actualité 50 ans plus tard. On ne peut alors qu’applaudir ce travailleur social qui à bout de patience fait sauter tous les verrous pour accorder les aides demandées. Le spectacle, magnifiquement porté par ses comédiens, réussit à dépasser la simple empathie pour nous questionner sur notre rapport à l’autre quel qu’il soit.

Hélène Chevrier

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